Wild West 2011

Des années que nous attendions de nous l’offrir ce grand et beau voyage ! Après des semaines de calculs de budget, de simulation Internet, de respiration suspendue à l’attente des autorisations de congés nous voilà dans notre 43 m² lyonnais à remplir deux sacs de randonnée pour trois semaines de périple dans le Grand Ouest américain …

On est aidé dans les préparatifs…

L’Ouest américain, peu de lieux résonnent aussi doucement à l’oreille d’un pêcheur. J’avais beau savoir qu’août, comme en France, est la pire des périodes, difficile de concevoir de partir sans canne… Après des négociations serrées, le périple est redessiné afin de me rapprocher de quelques rivières mythiques. A vrai dire, j’ai du mal à préparer tout ça, faute de temps, et j’ai surtout les pires difficultés à me projeter outre atlantique. Drôle de sensations que de savoir que du rêve on va passer dans quelques jours à la réalité, c’en est presque vertigineux.

En urgence je monte quand même quelques mouches et surtout refais à neuf deux bas de ligne, sur deux soies et deux bobines, histoire de passer vite de l’un à l’autre.

Le premier sera très long dans l’esprit de ceux avec lesquels je pêche l’Ain ou la Bienne (pas loin de 3 longueurs de canne). Ce que je lis des miroirs de la Henry’s Fork me laisse à penser que la plus grande discrétion sera de mise si je veux tirer mon épingle du jeu.

Le deuxième est beaucoup plus court (1 à 1,5 fois la longueur de canne selon la pointe), et me permettra de passer de la nymphe lourde à la grosse sèche en rivières rapides, dans l’esprit de l’image que je me fais de la pêche là-bas.

J’en profite pour tester l’astuce dont m’a fait part François, à savoir un minuscule anneau pour faire le raccord bas de ligne / pointe, et je dois avouer que l’essayer c’est l’adopter. Je vous file le lien parce que je suis sympa

http://www.pecheur-du-net.fr/soie-et-bas-de-ligne/349-anneau-pour-bas-de-ligne-mouche.html

Je vous passe les détails sur le grand confort du voyage quand on fait 2 mètres pour directement atterrir à Denver, c’est là que commence l’aventure. Ce que je vous propose c’est de faire le récit partie de pêche par partie de pêche, au plus près des émotions que j’ai pu vivre, avant de finir par un chapitre un peu plus général qui j’espère pourra vous aider si vous souhaitez partir à votre tour.

Le Yellowstone

Après deux jours à Boulder, charmante ville au nord de Denver, au pied des Rocheuses, à la fois yuppie et un brin hippie, plutôt en avance en matière de développement durable, nous partons vers le nord-ouest.

nouveau quartier à Boulder, ça me rappelle mes voyages d’études à Fribourg en Allemagne !

Dès la grande conurbation de Denver passée, nous voilà enfin dans le Grand Ouest. La route dépasse nos espérances, une ligne de bitume file au milieu de paysages immenses… quel pied !

Notre but ? le mythique Parc National de Yellowstone. Tout a été dit sur ce parc, on le décrit pour sa surfréquentation, on dit que c’est surfait, que c’est un parc à thème… Mon opinion, c’est que c’est tout simplement à tomber à la renverse. Dur de trouver les mots, immensité des paysages, diversité de la faune, et surtout, quelques kilomètres à pied vous donne l’impression d’être seuls au monde.

En effet, sans tomber dans la caricature, on ne peut pas dire que l’américain soit randonneur. Si les quelques routes qui sillonnent le parc sont très fréquentées, les sentiers de randonnées sont absolument déserts. J’en veut pour preuve une randonnée de 15 km, qui, au vu des registres d’enregistrement au départ de la randonnée (histoire de comptabiliser ceux qui se font dévorer par les ours !), n’accueille qu’un couple de randonneurs par jour !

En matière de logistique, je reviendrais plus en détail dans le chapitre ad-hoc sur le logement, les permis, les facilités, je propose qu’on se concentre sur la pêche.

Le Yellowstone n’était pas la destination pêche du séjour. J’avais repéré la Slough Creek, au nord du parc, affluent de la Lamar River, elle même affluent de la Yellowstone.

La Yellowstone est la plus importante des rivières du parc, naissant dans un immense lac au centre du parc, elle est très rapidement une très puissante rivière, alternant de vastes méandres lents et des parcours rapides où la rivière donne toute sa puissance. Je vous propose quelques clichés :

Le lac, les fumeroles sont autant de geysers en bordure du lac

à la sortie du lac, c’est déjà une rivière extrêmement puissante

ensuite, la rivière traverse de superbes prairies d’altitude, paradis des bisons

La rivière s’enfonce ensuite dans une série de gorges, passant par les chutes dont vous avez probablement déjà vu des photos

Bref, c’est pas de la rivière pour fillettes, et j’ai beau pêcher les 100m de large de la rivière d’Ain toute l’année, là, j’ai pas osé tenté. Direction donc la Slough Creek. Apparemment je suis pas le seul au courant qu’elle est sympa à pêcher, parce qu’il y a foule. On prend donc les sacs, bombes au poivre anti-ours à la ceinture, et on part en rando pour aller vers la partie haute.

En même temps qu’on gravit la montagne, l’orage décide de faire de même. Je blêmis alors que le ciel noircit…

On arrive avant les gouttes (de peu !) sur une section qui ressemble plutôt bien à ma définition du Paradis, au cœur d’un écrin de montagne, de forêts de pins, une rivière méandre dans des prairies grasses…

Par contre niveau activité, c’est zéro. J’ai choisi la Slough parce que c’est une rivière où les cutthroat, l’espèce endémique des montagnes de l’Ouest, sont encore largement dominantes. Réputées avoir le nez en l’air et le gobage facile, elles semblent, alors que le vent se met à hurler dans la vallée, résolue à rester le museau dans la vase.

Entre les vaguelettes créées par le vent, j’ai pourtant bien l’impression de voir deux ou trois gobages, mais dur de voir ce qu’il y a à manger sur l’eau.

gobage dans un méandre abrité du vent !

Je finis par distinguer de minuscules éphémères clairs, presque blancs, je me retrouve à devoir résoudre l’équation à plusieurs inconnues qui consiste à pêcher très fin, avec un long bas de ligne, avec le vent dans le pif et la foudre qui se rapproche méchamment.

Je prendrais enfin ma première cutt, en pleine eau. Je m’attendais à une poisson plein de couleurs, elle est toute grise, après quelques prises, je me rendrais compte que c’est le fait des jeunes.

Je prends ensuite un poisson un peu plus gros, la gorge légèrement orangée. La défenses de ces poissons est hyper énergique. Fait notable, je pensais que les cutthroat avaient un comportement proche des arcs, en fait, mis à part la première riquette en pleine eau, j’ai pris et vu les autres sur des postes typiques de fario. Souches, obstacles, bordures, c’est là qu’elles se tiennent.

C’est quand même pas bien gros, et en plus, le vent se renforçant, je foire lamentablement un superbe gobage sur un coup hyper difficile au milieu des branches et au ras des herbes de la berge. Je m’arrête à plusieurs reprises car les premières averses violentes se déclenchent. A chaque arrêt les gobages redoublent, mais le vent me fait devenir chèvre. Au bout d’une grosse heure de pêche, la foudre tombe à moins de 100m, il faut se sauver en vitesse, la sensation de faire paratonnerre avec mon fleuret de carbone n’a jamais été aussi évidente !

Ma compagne randonne sur le chemin du retour aux côté d’un Alexis bougon. Toujours râlant et pestant sur le fait que je suis le plus malheureux du monde je jette un œil sur la Lamar River que l’on longe au retour en voiture… J’ai choisi mon point de chute du lendemain !

La Lamar, on monte encore d’un degré dans l’image d’Epinal. Au fond d’une vaste vallée à fond plat, la Lamar déroule ses méandres aux eaux un poil piquées, tandis que les bisons vous regardent d’un oeil torve…

En matière de cadre, je ne suis pas sûr de revivre ce genre de situation de sitôt :

Niveau pêche, c’est plus proche de ce que je connais près de Lyon. Un rivière large, puissante, avec des bordures à se damner, où ça pue la truite du kg tous les 10m. A peine la canne montée, je regarde une belle truite grasse comme un cochon se dodeliner sous 1m de courant très puissant… J’ai pas assez lourd pour la tenter… Je regarde la bordure et crois voir un gobage. J’attache un parachute qui imite tout et même n’importe quoi et je remonte la bordure. Devant moi, deux américains me coupent le spot en traversant la rivière. Je m’attendais à plus de courtoisie de la part des pêcheurs US, qui apparemment ne sont pas très sensibles à la notion de remontée de bordure à pas de loup…

Je fais comme ça une centaine de mètres, comme la veille, le vent se déchaîne, et dans cette grande plaine il s’engouffre en rigolant de mes lancers. Je commence à me croire maudit. Ma compagne, après s’être planquée dans les herbes du fait d’un bison faisant son picotin à 20m d’elle, reprend suffisamment ces esprits pour me signaler un rond près de la berge.

le bestiau après le picotin

Je redescends la rivière, me positionne en face de l’endroit indiqué, et finit par voir LE museau, qui émerge de l’eau, régulièrement. Je lance, galère avec le vent, puis d’un coup c’est comme dans un film :

la mouche longe la berge…

… le museau émerge…

… le fil se tend …

La lourdeur, la gerbe d’écume…

pendu !!!!!!!!!!!!!!!

A ce moment là, j’ai vraiment l’impression d’avoir attrapé la queue du Mickey, baston toute en lourdeur, le poisson utilise sa masse et prend le courant, confiant dans le 15°°, je bride comme un âne. Je la vois plusieurs fois, c’est une explosion de couleurs, flancs presque rouges, couleur dorée dominante, je m’y vois déjà vous imposer ma joie plein ma tronche avec la truite portée légèrement au dessus de l’eau…

Oui mais non, non, renon, les américaines ont de la ressource, on dégringole tous les deux vers un secteur rapide et j’ai moyennement envie de partir pour 100m de course derrière le poisson. Je bride, je bride,

et puis d’un coup plus rien… merde, comment ça plus rien ! C’est quoi ce bordel, qu’est ce qui déconne dans mon rêve américain ?! Ben hameçon ouvert en fait. Ces américaines sont vraiment des tracteurs !

Après une bordée d’injures entendue de ma seule compagne et des bisons, je change de rive et repars pour la gloire. Le vent m’empêche de poser la mouche où je veux, cette dernière se posant à 1m de la berge quand je veux la longer. D’un coup, une grosse masse se décroche du fond, monte, monte, monte et plop pendu !!!!!!!!!!!!!

Même type de gros poisson gras qui utilise sa masse pour ne pas rejoindre la surface, et même dénouement, hameçon ouvert….

Le vent se déchaine, il faut rentrer, l’école US est plus rude que ce que j’imaginais…

Nous croiserons encore quelques belles rivières en quittant par l’ouest le Yellowstone, en particulier la Madison, mais le bilan est bien maigre pour ces deux parties de pêche. La frustration, le sentiment d’échec, conjugués à la beauté des paysages et aux poissons décrochés font que je suis déjà taraudé par une méchante envie de revenir !

La Henry’s Fork

Là, il s’agit de mon caprice, de ce pourquoi je me suis roulé par terre. Il faut dire, il fallait le vendre ce détour au fin fond de l’Idaho, quand les soit disant grosses villes sur la carte sont des bleds comme Ashton où les bâtiments les plus hauts de la ville sont les silos à grains et où les vitres des commerces de Main Street sont couvertes de la poussière des endroits qui meurent tranquilles en marge du monde… Non mais je déconne pas, je vous montre parce que vous avez pas l’air de vous rendre compte :

Je fais un détour par le Fly shop, où le gars va me vendre, parmi un bordel innommable de mouches, de cuillers en tout genre, des imitations « vertes parce que c’est la couleur qui marche » dont je ne me suis jamais servi tant elles me semblaient juste dix fois plus grosses que ce qu’il y avait sur l’eau.

On dort au bord de la Warm River, rivière superbe où je prendrais quelques petites arcs au milieu des bouées et pêcheurs au lancer… C’était chiant en fait. D’autant plus qu’évidement, passé 17h, le vent s’est déchainé et l’orage a éclaté.

Le lendemain, on va pas n’importe où, c’est ma journée pêche, celle que j’ai préparé 8000 km plus loin sur le net, direction le Harriman State Ranch. Une section de plusieurs miles de no kill, un ranch donné par un riche cowboy à l’État. Depuis c’est une « National Forest », espace naturel protégé (un peu moins contraint qu’un National Parc, nous en avons croisé énormément lors de notre séjour). C’est aussi le secteur comme annoncé le plus difficile, là où les poissons sont retords à souhait. Ca fait bizarre de se retrouver face à une légende, j’ai tellement de récits sur ce cours d’eau, j’ai du mal à y croire. La rivière est très large, semble courir lentement. Les fonds sont sublimes, des graviers, quelques grosses pierres basaltiques, des herbiers partout. Je me rends compte que les photos parleront bien mieux, c’est juste à se damner.

C’est donc emprunt d’un profond respect, et avec le pas mesuré d’une grenouille de bénitier, que je rentre dans cette cathédrale… Malgré la clarté de l’eau, impossible de pêcher en nymphe à vue. Je saurais pas vous l’expliquer, est-ce la nature des fonds, les milliers de microcourants imperceptibles, la lumière ? Toujours est il que pas une fois je n’ait été en mesure de distinguer une truite dans l’eau.

Pendant une heure trente, j’ai pu admirer la faune, parce qu’on peut pas dire qu’il se passait grand chose.

Castor

petit échassier

pélicans (ne pratiquant absolument pas le no-kill !! assez impressionnant à voir à l’œuvre)

un jeune élan ! c’est pas très discret comme bestiole, ce dernier avait l’air de se repaître d’algues tendres

Quelques très rares gobages me font aller d’une rive à l’autre. Les poissons sont insaisissables, les truites ne sont apparemment pas en poste, mais semblent piocher de ci de là, sans circuit précis. Hormis un guide et son client 300 m en aval je suis étonnement seul en cette belle matinée.

Je finis par cerner un gobage régulier, en pleine eau. Un vent léger est déjà de la partie. Je passe ma boîte à mouche sur le gobage, pour finir en 10°°, et une minuscule bi-aile en cul de canard sur hameçon 22. Enfin l’imitation est happée, ferrage, aussi sec la truite bondit hors de l’eau ! Je viens de ferrer une ogive qui dévale le courant à fond de train. En revoyant les photos prises par ma compagne, je me rends compte à quel point je subis !

Alors que je pense la partie prête à être gagnée, le poisson remonte l’intégralité d’un herbier avant de s’enrouler autour d’une pierre. Je vois la truite coincée un temps, avant que mon approche suffise à lui donner l’énergie qui brise mon bas de ligne… J’ai vraiment la guigne. C’était une superbe arc de plus de 50 cm, avec un magnifique liseré rose…

Je refais ma pointe pendant que l’activité augmente. La rivière est vite recouverte de mouches, c’est assez impressionnant. Je finis par trouver la mouche qui marche, une petite émergente noire de ma confection, qui va me permettre d’aligner plusieurs arcs hélas de dimension modeste, mais alors quelle puissance !

Je finis par prendre un poisson plus correct qui me fera une série de chandelles hallucinantes !

L’activité cesse au bout d’une grosse heure. Le reste de la journée je ferais chou blanc. Comme les autres jours, l’orage bourgeonne dès 16h, et même s’il n’éclate pas pîle au dessus de ma tête, le vent et le rafraichissement qui suit annule tout coup du soir digne de ce nom. Je me prends la tête en fin de journée sur des poissons qui semblent être sur des émergentes de sedges, mais même si j’arrive à faire monter quelques poissons, je suis incapable d’en ferrer une seule. Je ne sais pas ce qui ne fonctionnait pas…

Sur l’ensemble de la journée, le bilan n’est pas si mal, surtout au vu des conditions météo et de la réputation de la rivière. Je retiendrais que la pêche aura été très proche de celle que je peux connaître de l’ombre sur la rivière d’Ain. Long bas de ligne, dérive aval sur des poissons regroupés dans les courants. Je n’ai pris qu’une truite en dérive amont. Toutes les autres, c’est en faisant descendre ma mouche en premier.

Il est temps de partir de ce bout de Paradis, mais rien qu’en écrivant ces lignes, je ressens les odeurs du sous-bois le matin, l’herbe mouillée, la lumière, les coups de tête de la première truite… Je veux revenir !!

Nouveau Mexique

Après cette journée consacrée à la pêche, place au tourisme, nous filons plein sud, à travers les immensités de l’Idaho, de l’Utah, puis de l’Arizona… La petite maison dans la prairie cède la place à OK Corral.

les paysages s’assèchent…

On passe une journée dans le Grand Canyon, l’immensité comme horizon

Le Colorado a taillé ce gigantisme de la nature

Monument Valley, terre sacrée des indiens

On s’approche du Nouveau Mexique, terre de soucoupes volantes, de hippies, mélange des cultures américaines, espagnoles et indiennes.

Vous comprenez pourquoi on appelle cette chaine de montagne les Sangre de Christo ?

Nouas passons deux jours à Taos, jolie ville en adobe (sorte de pisé), au contact entre un vaste plateau aride que déchire en une profonde gorge le Rio Grande, et une haute chaine de montagne.

Le Rio Grande et ses énormes farios est l’attraction n°1 de la région de Taos mais suppose une journée dédiée (ce que ma compagne ne m’accorde pas, surtout que les bords de rivières sont parait il saturées de moustiques, dixit la représentante de l’office de tourisme ! Bref c’est invendable). Nous préférons prendre de l’altitude et le frai en partant à l’assaut de la montagne. Je prends une canne pendant que nous entamons une grande randonnée dans les Sangre de Christo. Comme dans beaucoup d’endroits déjà traversés, l’altitude joue un rôle déterminant. A mesure qu’on s’élève on quitte le désert pour traverser une forêt sèche puis se sont les grandes forêts de pins et nous voilà presque dans les Alpes.

La randonnée nous fait suivre un petit ruisseau. Les castors, bâtisseurs infatigables, ont créés des séries de retenues où les petits saumons de fontaines, les brook trouts, prospèrent. La pêche est agréable, plutôt simple, seulement gâchée par quelques vilaines arcs de bassinage…

Le but de la rando est un lac, au milieu des pins. Je finis par repérer, en bout de l’étendue d’eau, là où de gros troncs sont amoncelés, quelques gros poissons qui patrouillent. Je foire un magnifique saumon de fontaine en nymphe, avec le vent et les rides sur l’eau, je n’arrive pas à voir quand les poissons prennent.

Ensuite, je me fais humilier par deux grosses farios qui gobent de manière aléatoire au cours d’un circuit à travers les souches… Impossible de faire se décider les poissons dont la plus petite devait faire le kilo. Je finis ce tour d’honneur du lac par un four magistrale sur une arc que n’aurait pas dénigré Catch Magasine. Bref je redescends dans la vallée d’une humeur assez massacrante. Avec le recul, je me rends compte que j’ai sous estimé ce genre de sortie de pêche, croyant que montagne+USA=pêche facile. En réalité, j’aurais du descendre en 10°° et pêcher avec de toutes petites nymphes ou des émergentes. Tant pis pour moi.

Le Colorado

Avant de nous envoler pour San-Francisco depuis Denver, pour des vacances plus urbaines, nous décidons de passer 3 jours dans le sud du Colorado, en plein cœur des Rocheuses.

On part un peu à l’aventure, et nous voilà en train de remonter le Rio Grande, quitté plus tôt dans le Nouveau-Mexique. Après le désert des plateaux d’altitude, nous voilà dans un superbe paysage de montagne, en plein cœur des Rocheuses.

Les villages témoignent de leurs passés miniers

On se trouve un chalet pour trois francs six sous, enfin un peu de confort après des jours et des jours de camping !

Le Rio Grande coule non loin, mais une part importante du linéaire est privé. J’ai croisé un nombre de panneaux « no trepassing » assez important ! Toutefois, la rivière traverse quelques sections de National Forest, accessibles au public. Là encore, difficile de passer à côté des règlements, chaque accès public fait l’objet de panneaux, qui rappellent que l’arc en ciel est en no kill et que les farios de plus de 12 pouces (plus de 36 cm, ça laisse songeur hein ?) doivent être remises à l’eau, que seules deux truites doivent être gardées.

Je me trouve un accès sympa, le long d’un « camping » (je reviendrais sur le concept de camping plus tard) paumé. Le premier soir, je fais un bide. Une énième fois, un orage a éclaté, la température a chuté de 10° et pas une mouche ne vient agiter l’eau.

J’en profite pour regarder le paysage, la rivière me fait penser à la Dordogne, une rivière puissante, une eau noire qui roule sur de gros blocs de rochers…

Le lendemain, je pêche le matin, toujours pas d’activité, et un orage énorme monte dans le ciel, avant midi, il éclate avec une violence inouï. Un guide en rafting arrête son esquif et se réfugie sous un pont. La foudre tombe si près que l’on sent la terre vibrer… Il faut filer !

L’après-midi, l’orage se calme, j’en profite pour demander au propriétaire des chalets si je peux pêcher la rivière qui traverse son ranch, un affluent du Rio Grande. Le petit vieux, adorable comme la plupart des gens rencontrés au cours de ce périple, me dit que oui, me rappelant que son parcours est en no-kill.

J’attaque en sèche, rien ne se passe. Je décide de passer en nymphe, et sors de ma boîte les mouches que m’a donné Aaron Jasper, guide de pêche US, et ami de Christophe (Clema74), que j’ai accompagné une journée sur la Bienne lors de son périple en France.

Je n’ai pas vraiment l’habitude de pêcher au fil, mais à la première dérive, je prends une petite arc de 15 cm, que je remets vite à l’eau même si j’aurais voulu vous montrer l’explosion de couleurs des jeunes arcs. Ça me rassure également sur le fait que la rivière accueille au moins pour partie des poissons sauvages.

Quelques mètres plus haut, je prends une petite fario, toujours au fil.

Je redescends pour me positionner sur une fosse déjà explorée en sèche. Je lance légèrement en amont d’un bloc rocheux qui sépare la rivière en deux courants. J’ai vite l’impression d’accrocher, je lève la canne pour me libérer, et là… drôle de sensation, ça bouge doucement, puis obstinément, j’ai ferré un monstre ! La truite va sauter deux fois, et j’ai du mal à en croire mes yeux, puis le poisson dévale la petite rivière, moi derrière. S’en suit une bataille de chiffonniers, après mes déboires sur la Lamar River, je ne veux rien lâcher. Le poisson part des branches, que je lève une par une, après 20 m dans de tous petits courants, elle disparait sous la berge, ce sera son erreur, puisque c’est là que j’irais la chercher, à la main !

Ce n’est pas super beau, mais je tiens ma plus belle truite à ce jour !

On voit bien la nymphe d’Aaron au coin de la gueule du poisson !

Je suis sur un nuage, il est là mon rêve en barre, ma truite américaine. Comme il était dit que c’était ma journée, le soir, sur le Rio Grande, j’ai enfin droit à un coup du soir, le dernier et surtout le seul du séjour. D’abord timides, les gobages remplissent bientôt la rivière, les petits sedges clairs ont en effet couvert la rivière.

Je prends d’abord quelques petites farios, puis je repère le gobage au dessus d’un gros bloc. Je serais encore capable de me souvenir de chaque seconde de ce combat au fond de cette vallée du Colorado, après la grosse arc, la belle fario américaine, je suis comblé !

regardez moi ces battoirs !

Matos, permis, fly-shops et facilities

Pays de cocagne que sont les USA pour le pêcheur. Globalement, tout est fait pour nous rendre la vie facile. Dès qu’une rivière n’est pas loin, chaque localité a son ou ses fly-shops, avec une diversité de produits assez impressionnante. Il est facile d’y trouver du matos, les permis ad hoc, et les informations nécessaires pour aborder les rivières. Certains magasins sont exclusivement pêche à la mouche, mais dans les petites localités ont trouve des magasins plus généralistes qui vendent également des leurres (là aussi quelle diversité) et des appâts.

J’ai acheté des supers chaussures de waders Sims pour peut être deux fois moins cher qu’en France. Le matériel est globalement moins cher si l’on s’en tient à la parité des monnaies (1$=1€) mais en plus, je suis parti alors que le dollar était très faible. Du choix et des prix, pensez y si vous vous rendez là bas, mieux vaut prévoir le coup et céder à la tentation une fois sur place.

fresque au sol, devant l’entrée d’un fly-shop de Boulder, Colorado

les fly-shops sont parfois très roots, ça participe à l’atmosphère !

Concernant les permis, c’est vraiment peu onéreux, de 9 à 22 $ la journée, sachant que les jours suivants sont facturés moins chers,et qu’il existe la plupart du temps des formules à la semaine, au mois, ou à l’année (très vite rentable).

Dans le détail :

– Le Yellowstone : à cheval sur trois états, pour 80% dans le Wyoming, pour le reste entre le Montana et l’Idaho, il existe un permis unique (les permis d’état ne sont pas valables). Le permis coûte 15 $ la journée, 20 $ pour une semaine, et 35 $ pour une saison. On trouve les permis dans les différents postes de garde qui émaillent le parc. En prime, vous recevrez un dépliant très complet sur la répartition des différentes espèces et les régulations qui peuvent parfois être propres à chaque rivière. De manière générale, les espèces endémiques, et particulièrement la cutthroat, sont en no kill, tandis qu’on est plutôt incité à faire du sushi de fario et surtout de bull trout (grosse truite de lac grise, originaire du Canada notamment). Les rangers se feront un plaisir de papoter pêcher avec vous.

– l’Idaho : le permis journalier pour un non résident coûte 12,75 $, 6 $ les jours suivants. Tous les prix sont ici.

Au passage, un intéressant site avec les éclosions sur la Henry’s Fork en fonction des saisons.

– Le Nouveau-Mexique. C’est le permis journalier le plus cher que j’ai rencontré, 22 $. J’ai du mal à vous trouver un site facile d’accès avec le prix des permis, sur le site du Fish and Game c’est un peu le bordel, je retrouve pas mes petits mais encore une fois il suffit de pousser la porte d’un fly shop pour avoir accès à toute l’info.

– le Colorado. C’est le permis le moins cher de mon séjour, 9 $ pour une journée. Les infos sont.

Hormis dans les parcs nationaux, les droits de pêche sont gérés au niveau fédéral (état). Dans tous les cas, il est possible d’acheter son permis en ligne. Personnellement, je vous invite à regarder sur les sites fédéraux les lieux de vente, puis à acheter votre permis sur place. Vous perdez 30 minutes, mais vous avez plein d’info et en plus c’est l’occasion de faire le plein de mouches.

Location de voiture :

Je recommande chaudement pour la location de voiture www.autoescape.com. On a eu aucun problème avec ce site, dont les tarifs prennent en charge la franchise (on a donc un prix tout compris). Il s’agit d’une vraie assurance tout risque en cas de carton. En revanche, sur place, nous avons repris une assurance (moins de 75€ pour deux semaines) pour le genre de pépins qu’on peut croiser en fréquentant des pistes, à savoir crevaison, vitres cassées, panne d’essence au milieu de nulle part. ceinture et bretelles, mais pour ma part je suis plutôt du genre prudent flippé.

Nous avions réservé un petit 4*4, mais ce dernier étant indisponible voilà avec quoi nous nous sommes retrouvés pour le même prix !

hébergements

On trouve de tout aux USA, depuis le camping vraiment roots jusqu’à l’hébergement de très haut standing. C’est valable y compris dans les parcs nationaux, où l’on trouve des hôtels de grande classe.

Pour notre part, nous nous sommes cantonnés aux campings, à quelques motels, à une location de petit chalet dans le Colorado. Voici quelques idées de prix.

Dans les parcs nationaux et les national forest, vous trouverez des campings très peu onéreux, de 12 à 16 $. A ce prix là c’est spartiate. Pas de douches, les toilettes se résument à une cabine (propre, toujours) au dessus d’une fosse septique. En revanche tous les emplacements que nous avons croisé comportaient :

un emplacement tente aplani, en gravier (faut s’il faire mais c’est pas mal), une table et des bancs, un foyer en dur pour le feu, avec une grille.

Le principe est simple, pas de gardien, à l’entrée, des enveloppes, vous mettez le montant correspondant au nombre de nuits dans l’enveloppe, que vous laissez dans la boîte aux lettres, vous gardez une sorte de reçu, que vous pincez à un poteau devant votre emplacement. Attention, dans le parc du Yellowstone, on ne peut prendre sa douche qu’à deux endroits (Grand Village et Canyon Village). C’est toute une logistique, il faut prévoir parfois plus de 100 bornes de voiture, autant penser aussi au linge sale ! A condition de venir tôt (dans la saison ou le matin) pour être les premiers, je conseille vivement le camping le long de la Slough Creek, 26 emplacements aux portes du Paradis !

Je passe sur les motels, pour parler rapidement des chalets. On trouve pas mal de location de cabines, de petits chalets, souvent c’est cher (plus de 150 $ la nuit), mais on trouve, comme nous dans le Colorado, des choses à moins de 70 $ la nuit pour une vraie petite maison tout confort. Quand on a pas pris de douche pendant 3 jours ça fait vraiment du bien !

Si je devais donner un conseil en matière d’hébergement, ce serait le suivant. Avant de partir, lister les possibilités d’hébergements (certains sites sont à plus de 100 km des premiers hébergements !!), mais ne réservez qu’à quelques étapes clefs (à l’arrivée de l’avion, avant de partir, …). Pour le reste, voyez sur place. Ce pays est immense, il est difficile depuis la France d’anticiper le temps consacré au déplacement entre deux étapes, et puis il faut penser à la météo. Si les conditions sont mauvaises, bougez, les possibilités de pêche se comptent par millier dès lors que l’on est un peu mobile. Bref, j’invite à la débrouille sur place, dés fois c’est un peu galère, et le risque de passer une nuit dans la voiture à lutter contre les moustiques existe, mais vous aurez plaisir de discuter le bout de gras avec un patron de motel délabré au fond d’un bled improbable plutôt que d’avoir réservé au chaud devant l’écran votre hôtel de chaîne probablement très loin de là où vous pensiez pêcher.

en vrac

Dans les Rocheuses, grizzlis et ours noirs sont fréquents. C’est pénible pour le portefeuille mais j’incite vraiment à acheter une bombe au poivre, vendue ans tous les magasins d’extérieur et dans les boutiques des parcs. C’est un spray à l’odeur dissuasive. Les accidents sont fréquents, autant se prémunir. vous verrez dans tous les campings les instructions à suivre. De manière générale, ne laissez jamais trainer de nourriture. Nous avons pour notre part vu un ourson se balader en plein camping, reniflant de ci de là les tentes. Beaucoup de randonneurs américains ont des clochettes à leur sac. C’est pas bête, l’ours est plutôt trouillard et va fuir à l’arrivée de l’homme, encore faut il qu’il l’entende. Les accidents sont très souvent liés à des animaux surpris.

Concernant la nourriture, tout ce qui est produit transformé est globalement pas génial. Les grandes surfaces sont joliment achalandées, mais tout est calibré, c’est limite angoissant. Dans les pubs et restaurants, on serre une cuisine roborative et pas trop chère, parfois même très bonne (boeuf bio, hamburger au cerf !), mais globalement c’est pas très diversifié. En revanche, si vous êtes amateur, je vous invite vraiment à tester les différentes bières. La micro brasserie a le vent en poupe, et derrière les majors insipides (Coors, Budweiser), on trouve quelques bières fantastiques. On note deux influences, anglaise évidement, et belge, de plus en plus prisée (le Belgian style marqué sur pas mal de bouteilles).

Conclusion

Ma cession de pêche américaine c’est limitée à six parties de pêche, entre 2h pour les plus courtes, et une journée pour la Henry’s Fork. J’en garde un souvenir inexprimable, c’est la pêche comme vous en rêvez au plus profond de vous même. Je suis sûr de revenir, je suis déjà en train d’échafauder des plans pour un voyage 100% pêche, et par ailleurs je me suis juré de partir au moins 10 jours avec mon père pour sa retraite, dans quelques années.

La pêche a été difficile, mais le potentiel des rivières parcourues n’a pas de commune mesure avec ce que je connais en France. Je retiens pèle mêle de ce voyage la beauté des paysages et des rivières, la taille des poisson, les facilités de pêche, au sens large (accès aux informations, renseignements, infrastructures, matériel), et la gentillesse des américains.

Bref, I WILL BE BACK !

PS : si vous voulez des infos complémentaires, n’hésitez pas à me faire part de vos questions.

PS II : une petite vidéo de ce séjour

http://vimeo.com/28539424

Originally posted 2011-10-17 23:11:08.

11 commentaires.

  1. merci à tous !

    ça vaut pas votre film aux USA les Bearnies !
    c’était vraiment qu’une mise en bouche, maintenant la came est dans mes veines, et c’est très dur de résister !

  2. Alors là, tout y est : la prose, les photos, la construction de l’article… C’est excellent, vraiment, ça faisait longtemps que je n’avais pas autant kiffé un article de blog de palm, et je dis pas ça parce que t’es mon pote, en vrai !

  3. Merci pour vos commentaires.

    Pour la marque d’hameçon, il s’agit d’une affreuse mouche décathlon que j’ai acheté il y a plus de 6 ans, incroyablement efficace et devenue depuis mon fétiche, mais elle a montré ses limites !

    Jérome, mon prochain objectif c’est de retourner aux States. Là si tu veux j’ai juste eu le droit de tremper un bout de pain dans la sauce, je veux y retourner pour participer à tout le banquet !!
    J’ai dans un coin de la tête un délire Bow river en Alberta et cessions au Montana…

  4. Salut Alx,

    Super recit, ca fait envie…

    Dis c’est quoi la marque de tes hamecons :)?

    Bye
    Julien

  5. Ca laisse reveur ! et en meme temps tu ne dois que rever d’y retourner maintenant, c est quoi ton prochain objectif, la mongolie, la NZ…

Commentaires clos.